Sur l’histoire de l’Hôtel du Quilio (et des fonderies Rivière)

Sur l’histoire de l’Hôtel du Quilio (et des fonderies Rivière)

« L’hôtel a été élevé peu avant la Révolution par Marc-Antoine Le Couriault du Quilio, chevau-léger de la garde du roi et le plus riche seigneur de Quimperlé, après Thomas-louis du Couédic. Marc-Antoine a connu Versailles et il introduit à Quimperlé un style de demeure proche de celui des Folies que les gens fortunés se faisaient construire à proximité des villes. » écrit Yves Bellancourt.

L’architecture de l’hôtel est élégante et équilibrée. « Les horizontales sont marquées par une solide base, un bandeau médian et une double corniche de granit ; aux angles se dressent deux pilastres à bossages ». Pour les ouvertures, il y a une recherche d’harmonie encore : au rez-de-chaussée, larges fenêtres en plein cintre ou arquées, au 1er étage, fenêtres rectangulaires, toutes moulurées et décorées par une clef, sur le toit de petites lucarnes discrètes.

Le plan : au rez-de-chaussée un couloir conduisant au jardin et un autre ouvrant sur une salle à manger, un salon, une vaste chambre et le bas d’un bel escalier de bois monumental. A noter la hauteur des plafonds atteignant près de 4 m. (3,90m). Au premier étage, un couloir dessert 7 chambres, dont la hauteur sous plafond n’est plus que de 3,65m. Il est important que cette architecture intérieure soit préservée, tant pour la hauteur de plafond, les boiseries et le magnifique escalier, tous témoins de la richesse des possédants du quartier. Un quartier aujourd’hui qualifié d’« historique », mais qui illustre bien la place de Quimperlé sous l’ancien Régime.

Vendu à l’ancien maire de Lorient le sieur des Chastelets en 1804, l’hôtel est racheté l’année suivante par la famille du Quilio. Son plus illustre représentant, l’amiral Le Couriault du Quilio y est né et y décède, après avoir bourlingué sur toutes les mers du monde et avoir participé à la conquête de la Cochinchine, aux affrontements de Shimonoki au Japon puis à la Guerre de 1870 contre la Prusse. Il obtient en 1877 la grande Croix de la Légion d’Honneur.

La famille Couriault est apparentée à plusieurs familles de la noblesse bretonne : Le Gouvello, Jubin de Kerivily., de Tinténiac… C’est en 1695 seulement que Thomas, fils du seigneur de Kerelhuézenet et sieur de Kerroch en Lothéa, achète le manoir du Quilio en Bannalec. Le père de l’amiral est député du Finistère, brièvement de 1838 à 1839. Sa mère est une Jacquelot du Boisrouvray. L’amiral marié est mort sans descendant. Son frère cadet Emery resté longtemps célibataire, se marie à 63 ans et une fille nait de cette union, Geneviève. Emery décède en 1881. Geneviève se marie en 1904 avec de Monti de Rézé, futur sénateur en Mayenne (Elle décèdera en 1969).

Selon Bellancourt, à la suite de son mariage, elle a vendu le 6 octobre 1905, l’hôtel du Quilio, à la société Gauthier et Cie (anciennement des usines Savary) A la mort de Gauthier en 1911, l’hôtel devient la propriété de la société Savary-Rivière), qui le « revend aux abbés Jean-Marie et Léon Derrien. La paroisse confia alors aux Ursulines ce bâtiment qui devient l’école Jeanne d’Arc le 23 novembre 1914 » selon Y Bellancourt. Une centaine de fillettes furent confiées à 4 religieuses institutrices. 

Après la guerre, les tensions à l’égard des congrégations catholiques s’atténuèrent ; en janvier 1921, la propriété de l’école Jeanne d’Arc est transférée à la société anonyme de Saint-Colomban, laquelle rétrocède l’école à une association immobilière propriétaire de l’institution de Kerbertrand. Après 1921, l’école s’agrandit accueillant 300 enfants (des filles) de la maternelle au collège ; mais à l’étroit, le collège émigre en 1929 à Kerbertrand avant que le classes maternelles et primaires de migrent à leur tour en 1990, à l’autre bout de la rue Brémond d’Ars, à l’école Sainte-Croix.

L’édifice intéressa alors la nouvelle municipalité, qui soucieuse, de la construction d’une résidence pour les personnes âgées valides, pensa alors détruire l’hôtel du Quilio pour ce projet ; la sensibilité historique et la sauvegarde du patrimoine bâti ne faisaient pas partie de ses préoccupations ; c’était d’ailleurs la mentalité d’une bonne partie des Quimperlois ; qui n’avaient pas protesté lorsque les halles de la place Saint Michel avaient été démolies au début des années 1960, ni en 1965 lorsque l’hôtel de Talhouët, ancienne poste mais surtout lieu de naissance de Théodore Hersart de la Villemarqué fut mis à bas et qu’il fut question de raboter les façades de plusieurs hôtels historiques pour sacrifier à la circulation automobile ; un peu auparavant la Ville avait abdiqué devant les exigences de la Poste sur la place Nationale (de Gaulle actuellement) et démoli une partie de l’aile du XVIIIe siècle de l’ancienne abbaye de Sainte-Croix abritant les Communs. Aujourd’hui devant la triste façade de la Poste, on peut regretter toutes des démolitions.

Mais ce qui paraît invraisemblable aujourd’hui, ne l’est devenu concernant l’hôtel du Quilio, que grâce à la réaction de la Société d’Histoire, sous la conduite de son président Yves Bellancourt. Scandalisé par l’attitude de la municipalité, il leva l’étendard de la révolte,

– en proposant une prise de conscience collective par des visites de l’architecture du Quilio et au-delà des hôtels historiques de la rue.

– en décidant un ouvrage collectif sur l’ancienne rue du Château et du Gorréquer, rues prestigieuses débaptisées en 1911 par Jules Le Louédec qui voulait payer une dette politique à la famille de Brémond d’Ars,

– en organisant une grande pétition de refus de la démolition.

– en alertant la Direction Nationale des Monuments Historiques.

La Municipalité préféra reculer, mais elle obtint cependant l’autorisation de construire sa Résidence des personnes âgées, près de l’Isole, dans une architecture décalée par rapport à celle traditionnelle du quartier (toits plats en zinc, grandes ouvertures…). La résidence ouvrit à la fin de 1994/début 1995, juste avant de grandes inondations ! On ne peut ignorer les contraintes du lieu.

Par ses actions, la jeune Société d’Histoire du Pays de Kemperle, montrait qu’outre la connaissance de l’Histoire de la cité, la protection de son patrimoine constituait aussi une de ses priorités.

Aujourd’hui la Ville a décidé de valoriser à la fois l’Hôtel du Quilio et les hangars des anciens établissements Savary-Rivière, en faisant appel à « Ribines », un atelier douarneniste d’architecture. Dans sa découverte des lieux le cabinet a pu s’appuyer sur les travaux écrits de HPK (Bulletin n°49 de novembre 2020 comportant l’historique des établissements Savary puis Rivière) et sur une cassette vidéo de 2001 de l’association TBK, de R. Le Quéau et de Y. Pronost, « le Feu chez Rivière », à laquelle Alain Pennec avait collaboré pour la partie recherche historique, et à laquelle avaient été associés d’anciens ouvriers de la fonderie Rivière qui avait fermé ses portes quelques années plus tôt (en juillet 1993) ! Les recherches ont montré que l’usine créée rue Thiers est venue sur les bords de l’Isole dès les années 1880, où elle a pu prendre ses aises au détriment des jardins d’agrément des riches propriétaires, avant de se décentraliser près de la Gare et de la voie ferrée après 1920.

A la réunion publique de restitution des travaux et propositions de l’Atelier Ribines au Coat-Kaër, avec 4 de ses membres, Yvette Tibulle, Jean Jacques Montagner, Gérard Guigourès et Alain Pennec, l’association HPK était bien représentée. Elle avait préparé la réunion et esti ntervenue sur :

1- l’intérêt de réfléchir à la possibilité de liens entre l’hôtel du Quilio et la résidence des Trois Rivières

2- sur la possibilité et la logique de l’établissement d’un petit Ecomusée sur les lieux de l’ancienne fonderie, consacré aux établissements Savary-Rivière qui ont fonctionné pendant plus de 120 ans et ont été l’un des grands établissements de fabrication des machines agricoles de Bretagne. On pourrait s’inspirer de l’exemple de l’Ecomusée de Chateaubriant consacré aux machines Huart, un concurrent de Savary-Rivière.

On sait déjà que quelques passionnés ont collecté chez eux tarares, charrues et pressoirs Savary-Rivière (on pense à Ronan Pérennou). Quimperlé, Ville d’Art et d’Histoire n’a aucun musée à ce jour. Un écomusée consacré à la fonderie, aux machines agricoles, au matériel scolaire et ferroviaire valoriserait Quimperlé et rappellerait sa dimension de ville ouvrière et industrielle aujourd’hui encore ! Une réflexion pourrait s’engager sur les mesures à prévoir en cas d’inondation et aussi sur le contenu en faisant appel à l’informatique.

Alain Pennec Président d’HPK le 14-02-2024.

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