Conférence : Voyage en Bretagne de Napoléon III et l’Impératrice.
La conférence d’Alain Pennec et Arlette Roudaut a rencontré un vif succès. Elle était complétée par une exposition de documents retraçant le périple des deux souverains en Bretagne en 1858.
Photo Jean-Jacques Montagner
Photo Yvette Tibulle
Photo Yvette Tibulle
Le voyage de Napoléon III en Bretagne en août 1858 (Alain Pennec)
Le 22 septembre 2013, une conférence sur le voyage du couple impérial en Bretagne a été présentée devant près de 80 personnes. Le sujet intéressait car il porte sur un aspect méconnu l’Histoire de Bretagne et des villes traversées. Les conférenciers étaient deux historiens, parmi les auteurs les plus importants de l’équipe qui a mené jusqu’au bout l’ouvrage collectif initié par l’UTL de Bretagne, sur ce voyage important. Arlette Roudaut a écrit récemment un ouvrage richement illustré sur la partie brestoise « Album du voyage de Napoléon III à Brest » chez Skol Vreizh en 2019 ; Alain Pennec a travaillé sur le député bonapartiste de Quimperlé et Quimper, Louis Marie Corentin du Couëdic (1810-1898) et son œuvre. Les deux auteurs ont donc privilégié les exemples brestois ou quimperlois pour évoquer l’Empire.
Les deux conférenciers avaient préparé par plusieurs réunions, l’organisation de cette conférence qui s’est appuyée sur deux power points réunis. Après avoir expliqué la complexité de Louis Napoléon Bonaparte, les historiens ont insisté sur la nouveauté de ces voyages à travers le pays que le Prince-Président puis l’Empereur a systématiquement développés dans une démarche de recherche de l’appui populaire et malgré les difficultés qu’ils occasionnaient pour la santé du souverain , par leur durée (ainsi le voyage de Cherbourg en Bretagne et retour a duré presque 3 semaines du 3 au 21 août 1858 ) Napoléon, homme de son temps, a su utiliser les nouveaux modes de transport comme les trains –qui arrivent à Rennes en 1855- et les navires à voile et à vapeur. Les conférenciers ont aussi montré combien la préparation du voyage avait été minutieuse et avait cherché à prévenir tout accident ou incident (en janvier 1858, Orsini avait organisé un attentat très meurtrier mais l’empereur y avait réchappé). Le voyage avait voulu visiter les 4 départements bretons, car la Loire-Inférieure avait déjà eu droit à la visite de Napoléon III. Après Brest rallié directement à partir du Cotentin, seront visités toutes les préfectures (Quimper, Vannes, Saint-Brieuc et Rennes) ainsi que les préfectures maritimes de Brest et de Lorient et énormément de villes moyennes et petites : Saint-Malo, Uzel, Hennebont…Il réserve un régime de faveur à certaines personnalités, relais ou acteurs de l’Empire comme sa cousine, la princesse Baciocchi à Colpo, J.J. Bodin aux Trois Croix près de Rennes et le comte du Couëdic à Quimperlé.
Le voyage avait plusieurs buts :
– politique en cherchant à rassembler autour de lui le maximum de population, des paysans, des ouvriers, la bourgeoisie, et aussi le clergé pour affaiblir le Parti conservateur et Royaliste. Dans ce but, du Couëdic, légitimiste rallié était ainsi « bichonné ».
– économique : les grandes lignes du réseau ferré étaient arrêtées mais l’empereur voulait faire profil bas devant l’inquiétude de la Bretagne centrale de Pontivy ou des régions toilières de Quintin/Uzel. D’une façon générale, Napoléon qui avait beaucoup voyagé et visité (Angleterre, Allemagne, Italie et même Etats-Unis) était un partisan du libéralisme pour moderniser l’Economie française : il fallait laisser s’exercer la concurrence, même si l’industrie textile et celle des forges au bois allait souffrir, car dans le même temps, les arsenaux d’Etat, de nouvelles branches comme les forges de fer blanc (Hennebont) ou la grande industrie textile mécanisée (Landerneau) allaient se développer. La modernisation agricole progressa aussi beaucoup pendant l’Empire. Et Alain Pennec montra que le voyage avec arrêt de Napoléon III au Lézardeau, une marque honorifique pour le Comte du Couëdic, avait permis à ce dernier d’obtenir la création d’une école spéciale d’agriculture orientée sur l’hydrologie, qui ouvra dès septembre 1859. Cette Ecole joua y un grand rôle auprès de la paysannerie qui prit l’habitude de s’organiser et d’appliquer les conseils agronomiques de l’Ecole et de l’exemple du Comte qui avait montré qu’on pouvait tripler la valeur de ses terres ; parmi les héritages dans la région, il y a le développement de l’élevage grâce aux fourrages plus abondants, l’essor de la pomiculture à l’origine de la réputation du cidre local et la mise au point de nouvelles variétés comme la Teint-Frais, et la création du premier syndicat agricole du département en 1884.
Arlette Roudaut insista sur les grands travaux d’urbanisme en Bretagne et à Brest en particulier avec la création de nouveaux bassins au port de commerce (qui devint même momentanément un port transatlantique avec les Etats-Unis), l’établissement d’un pont tournant au-dessus de la Penfeld (un exploit technique), la création d’un nouveau quartier (Saint Martin) après l’annexion d’une portion de Lambézellec, etc…
Dans ces conditions, les conférenciers n’eurent pas de mal à faire remarquer que l’Empereur et son régime ne méritaient l’opprobre qui les touche encore aujourd’hui, car leur réputation a été forgée après 1870, à la fois par des Royalistes conservateurs opposés à l’aspect populaire (maintien du suffrage universel – une exception dans le monde à cette époque, le droit de grève accordé en 1864, la mise en valeur de la Nation derrière Napoléon…) et par des Républicains modérés opposés au culte du grand homme et la répression consécutive au Coup d’Etat de décembre 1851…oubliant l’évolution de l’Empire après 1860 vers un régime plus libéral et plus parlementaire.
Dans la salle Ellé où se tenait la conférence une vingtaine de panneaux d’une exposition sur ce voyage élaborée par un historien du Faou et proposée par Arlette Roudaut, a vivement intéressé les participants. Une manifestation réussie donc (mais malheureusement qui n’a pas été couverte par la presse locale).